ANALYSE DE L’OEUVRE

Ce que je vois dans le tableau:

Se reconnaissent, en vrac, certaines formes comme étant des visages criant, grâce à leurs yeux, leur bouche ouverte, un taureau à ses cornes, son mufle et la courbure de son échine, il semble nous regarder, impassible ou hébété. Un cheval hennit, un bras apporte de la lumière, d’autres sont tendus vers le ciel, ou écartelés au sol. Une sorte d’œil/ampoule surplombe l’ensemble de la scène. Dans l’ombre se distingue un oiseau lui aussi cou et bec tendus et criant vers le ciel.

Mais il y en a de tous les côtés ! L’œil ne sait pas trop où s’arrêter, il est sollicité de toutes parts, des formes géométriques, des contrastes blanc et noir violents s’entrechoquent et donnent une impression de chaos. Une multitude de plans gris perturbent la lecture de l’image.

Il est difficile de savoir où se passe la scène, quelques pans de mur, la pente d’un toit, le coin formé par des murs et un plafond ne permettent pas vraiment de se repérer, est-on à l’extérieur ou à l’intérieur ? Rien n’indique non plus quelle est la cause de ces cris, de cette peur et de ce désordre.

Ce que je sais :

la dimension politique de Guernica 

« La peinture n’est pas faite pour décorer les appartements, c’est un instrument de guerre, offensif et défensif, contre l’ennemi. » Picasso, à propos de Guernica.

En 1937, le gouvernement républicain alors au pouvoir (juste avant d’être renversé par Franco) commande à Picasso une grande composition murale, pour le pavillon espagnol de l’exposition universelle de Paris.

Alors que cette « commande » lui est faite, ses proches on raconté que Picasso ne sait pas quelle direction prendre pour y répondre. Mais quelques jours plus tard, l’actualité va créer le facteur déclenchant de cette œuvre : l’aviation nazie bombarde, le 26 avril 1937, la ville basque de Guernica faisant près de 2000 morts. Après une controverse médiatique, la vérité éclate. Le « sujet » est trouvé.

Picasso voulut explicitement faire don au peuple espagnol de ce tableau mais seulement «dès que les libertés publiques seraient rétablies en Espagne ». Guernica y fut finalement accueilli en 1981.

un chef d’œuvre moderne nourri de tradition  

Le tableau est achevé en moins de 2 mois, il est le fruit d’une intense activité créatrice : Picasso a exécuté une centaine d’études préparatoires à l’œuvre. En cela, il se rapproche de la conception classique d’un chef d’œuvre. Dora Maar a photographié sa réalisation donnant de précieuses indications concernant sa genèse.

Son élaboration est une synthèse complexe du cubisme, du surréalisme, des préoccupations picturales propres à  Picasso, mêmes celles hérités des Anciens. La volonté de faire un chef d’œuvre « moderne  fait parti de son projet, tant par les dimensions du format que par l’enjeu esthétique qui le traverse. De nombreux auteurs ont noté qu’il était possible de diviser la composition du tableau en trois, ce qui offre une analogie avec la tradition du triptyque flamand au 15ème siècle.

Dans ce tableau, l’espace est incertain, les corps sont distendus, cassés par l’éclatement des plans, emboîtés autant que disloqués. Mais ce chaos apparent est contrebalancé par la hiérarchisation apportée par la gradation des gris et les forts contrastes noir/blanc qui apportent à la composition sa cohérence. L’œuvre est tendue entre destruction et construction.

D’un point de vu narratif, l’interprétation «officielle» du tableau, veut que ce tableau soit une allégorie dans laquelle le taureau serait une «incarnation de la brutalité, de l’obscurité» et le cheval éventré «symbole du peuple». Mais Picasso a toujours répugné à enfermer ses tableaux dans une interprétation unique et, pour couper court, il recourait à une lecture littérale de ses œuvres : « Le taureau est un taureau, (…) c’est tout. Il n’y a pas de relation politique pour moi ; obscurité et brutalité oui, mais pas le fascisme. »

En Bref….

 Peinture monumentaleGuernica est d’une taille imposante (3,5 m x 7,8 m)

Dans la tradition des scènes de massacre, voir Nicolas Poussin, XVIIème, Le Massacre des Innocents, Francisco Goya, (Dos de Mayo, Tres de Mayo) qui lui aussi a représenté une scène de l’actualité.

 Le dessin joue le rôle fondamental dans cette peinture, les formes sont cernées de noir. Cela aide à la lecture immédiate de l’image, grande visibilité malgré la confusion des éléments enchevêtrés.

 L’espace est peu profond dans le but de rendre l’image plus plate, plus frontale.

Pas de modelé sur les corps : là aussi, Picasso aplatit l’image.

Déformations, les distorsions paraissent parfois monstrueuses, elles expriment la souffrance. Les personnages sont représentés de face et de profil dans une recherche virtuelle d’une vision 3 D sur la surface plane du tableau dans une déclinaison du principe déjà utilisé par Picasso durant sa période cubiste 1909-1914.

 La représentation des profils et de la vue de face (deux yeux au lieu d’un seul) est une technique cubiste : moyen graphique pour représenter la troisième dimension sur un plan.

Picasso en aplatissant l’image veut réaliser une immense affiche immédiatement compréhensible.

 L’œil – ampoule est une condensation surréaliste d’éléments divers pour créer un sens nouveau : l’œil et la lumière symbolisent la connaissance, le savoir, mais avec l’ampoule, cette connaissance devient électrique. Avec la fissure de l’atome, l’homme a produit de l’électricité mais aussi la bombe atomique.

 Le choix du noir et blanc évoque les photos de guerre : Picasso vivait en France depuis 1900 mais son cœur espagnol a été profondement choqué quand il a appris par la presse que Guernica avait été bombardée. Le noir et blanc du tableau résulte également des photographies prises lors de la longue élaboration de l’œuvre par la compagne de Picasso, Dora Maar, photographe surréaliste de talent, qui apportait régulièrement au peintre dans son atelier de la rue des Grands-Augustins, les clichés des états successifs de l’œuvrePicasso consultait les états antérieurs de sa toile pour modifier la peinture par une nouvelle balance des blancs et des noirs pour que Guernica apparaisse comme un immense poster compréhensible par tous, dénonçant le crime contre l’humanité qui venait de se produire. Ainsi, dans le pavillon de la République espagnole de l’Exposition Universelle, Picasso put exposer une critique des totalitarismes qui étaient intervenus militairement dans la guerre d’Espagne, juste à côté de leurs pavillons monumentaux, instruments de leur propagande.

 Le taureau et le cheval sont deux symboles forts de l’Espagne. (corrida et pur-sang espagnol). Le cheval représente le peuple selon les propos de Picasso, le taureau, la force

 Un oiseau est poignardé au second plan. C’est la colombe de la paix, ici assassinée.

 Une fleur est tenue dans la main du combattant décapité au premier plan : une lueur d’espoir dans ce chaos. Une renaissance ?

 Picasso peint de façon schématique avec des formes épurées et stylisées. Cependant les expressions des visages sont frappantes pour montrer la souffrance.

La femme à gauche, qui tient dans ses bras son enfant mort rappelle les Piétà, notamment celle de Michel-Ange:

 La femme qui accourt ( à droite) Elle est pathétique dans son élan de communion avec la souffrance du cheval. La déformation des pieds et du corps montre la difficulté et la lenteur de son déplacement.

La femme dans les flammes de sa maison ( extrême droite) implore lève les bras au ciel. Le cou  est allongé la tête renversée, les doigts sont écartés, Les flammes pointues agressives.

Les corps sont déchiquetés. Cet effet est accentué par la technique picturale : il peint avec des masses en aplat, on dirait des morceaux de papier découpésTous ces fragments sont projetés en direction du spectateur, comme s’il s’agissait d’une explosion. Picasso fait coïncider le découpage représenté des corps mis en pièces avec la technique picturale en aplat découpant elle aussi des formes claires sur un fond sombre.

 «  La peinture n’est pas faite pour décorer les appartements, c’est un instrument de guerre, offensif et défensif, contre l’ennemi. » « La guerre d’Espagne est la bataille de la réaction contre le peuple, contre la liberté. Toute ma vie d’artiste n’a été qu’une lutte continuelle contre la réaction et la mort de l’art. Dans le panneau auquel je travaille et que j’appellerai Guernica et dans toutes mes oeuvres récentes, j’exprime clairement mon horreur de la caste militaire qui a fait sombrer l’Espagne dans un océan de douleur et de mort. » Propos de Pablo Picasso.

 Après une période où elle fut présentée à travers le monde de 1937 à 1939 pour notamment lever des fonds pour les Républicains espagnols, la toile resta aux Etats Unis (principalement au MOMA de New York) durant une quarantaine d’années en raison de l’entrée de l’Europe dans la Seconde Guerre mondiale et du refus catégorique de Picasso, engagé auprès du Parti communiste, que l’œuvre aille en Espagne tant qu’une démocratie n’y serait pas effectiveCette œuvre est finalement arrivée en Espagne en 1981 , après la mort de Franco en 1975. Elle est exposée au musée de la Reine Sofia à Madrid. Elle est le symbole fort de la fin de la dictature.

Rapport à la problématique :

Cette oeuvre est un témoignage de  la souffrance du peuple espagnol sous les feux des bombardements nazis.

Par son retour en Espagne en 1981 elle symbolise la fin de la dictature. Picasso de nationalité espagnole, ressentit doublement l’horreur du crime qui révéla en lui une conscience politique et un engagement pour son peuple.

 Questions a se poser pour l’examen :

Pourquoi Picasso est il particulièrement touché par cet événement?

Pourquoi Guernica est un tableau monumental?

Quels sont les moyens utilisés par Picasso pour montrer le tragique de la scène?

 La démarche du plasticien– La ou les techniques employées ( photo, peinture, dessin, impression, technique mixte…)– La composition (organisation de l’affiche, disposition et taille et dessins des éléments…)- Ce qu’on y voit ( le DENOTE). (Le contenu visuel (personnages, symboles, décor, couleur…)- Dessins, croquis conseillé,)- Ce que cela signifie ( le CONNOTE ). Identification des symboles,
Que peut-on dire de la forme  – La couleur : contrastes, complémentaires, camaïeu… – Le traitement de l’espace : perspective géométrique , plans superposés, pas de profondeur- La définition des formes : contours nets , sfumato- Les mouvements : lignes de force, la circulation des regards- La facture : lisse, nerveuse , touche orientée- La composition : symétrique, équilibrée, s’appuyant sur des formes géométriques.- Que représente l’expression des visages des personnages et des animaux ?- Que signifie les couleurs du tableau ?
– Autour de l’oeuvre (autres références) – Otto Dix, photos de R.Capa, Tres de Mayo de Goya…

L’oeuvre d’art et l’état Situer une affiche politique dans son contexte et l’étudier . La présenter dans l’évolution de l’histoire enseignée de la période
Que représente Guernica – Qui l’a commandé ? (Un parti politique, un état, une association, un journal… une personne…)- Dans quel contexte historique? A l’occasion de quel événement?- Quel est son (ses) destinataire (s),(=à qui s’adresse-t-elle ? ).- A quelle occasion a-t-elle été réalisée (=dans quel contexte historique)- Dans quel but ?